L'anarchie, mouvement politique et modèle de société

Quel modèle de société l'anarchie propose-t-elle ?


L'anarchie et son idéologie qu'est l'anarchisme ce sont une conception de sociétés alternatives et un mouvement politique qui sont par beaucoup mécompris et méprisés
. Il sont souvent vus comme un courant violent et dépolitisé, alors que c'est plutôt tout le contraire. Car pour certains, l'
anarchie se résume à une phase passagère de rébellion adolescente, pour d'autres à de la violence et du chaos, pour d'autres encore une utopie dangereuse ou risquée.

J'aimerais revenir sur ce qu'est véritablement l'anarchie, pour déconstruire les clichés dont elle est la cible et pour réaffirmer ses idées politiques.
Je précise que je ne suis pas expert•e en la matière et ne suis pas læ mieux plaçæ pour parler d'anarchie. Je fais cet article dans le but de sensibiliser plus de monde aux idées qu'elle propose dans l'espoir d'encourager d'autres à s'y intéresser et d'aller voir plus loin que ce que j'en dirais.

Je pense que nous sommes à un moment de l'Histoire où nous avons besoin des modèles de sociétés de sociétés que proposent l'anarchie.
De nombreux événements récents m'inquiètent quand à la survie et la poursuite de l'établissement de la paix mondiale et des droits humains et sociaux, menacées par des États et des systèmes qui nous imposent la politique et la société dans laquelle nous vivons.
 
Pourtant, il me semble aussi remarquer un regain de l'intérêt de la question politique chez beaucoup de monde, dans tous les pays et de toutes catégories sociales.
Assemblée générale de Nuit debout à Paris,
place de la République, le 10 avril 2016 - Source
Les actes de résistance populaire (manifestations, grèves, marches, pétitions), les organisations citoyennes (telles que Nuit debout) et la (re)montée de courants de gauche radicale ou en tout cas voulant rompre avec le socialisme libéral et le capitalisme (visibles par exemple avec l'engouement assez important autour de Podemos, Bernie Sanders ou de Jean-Luc Mélenchon) montrent qu'il y a une vraie attente internationale d'un bouleversement politique majeur et une recherche d'implication de la part du peuple dans la constitution de la société dans laquelle il vit.

Malheureusement, cet intérêt politique est parfois parasité par le populisme d'extrême droite, ce camp qui tente de faire passer son conservatisme et ses régressions sociales comme étant au service des peuples alors qu'il promet la division nationale, le durcissement des conditions de vies et un état fort et omnipotent encourageant la haine de l'autre.
Et même sans céder aux sirènes de l'extrême droite, de nombreux courants de gauche proposent eux aussi des fausses solutions souvent autoritaires et nationalistes ou des demi-mesures de capitalisme camouflé insatisfaisantes.

L'anarchisme est, je crois, une solution à sérieusement envisager à la majorité des problèmes que l'on rencontre aujourd'hui. Je veux donc ici vous présenter les idées anarchistes et vous pousser à vous emparer de ce mouvement pour la construction d'une société meilleure.

Cet article sera aussi pour moi l'occasion d'exposer clairement (je n'ai pas encore pris l'occasion de le faire, ou seulement à demi mots) mes convictions politiques puisque l'anarchisme en est le courant le plus proche.


Anarchie : définitions


Définition d'anarchie dans le dictionnaire de l'Académie française de 1694 - Source

Il me semble important de prendre le temps de revenir sur les définitions, puisque le sens que l'on met sur ces mots est très souvent orienté et est à l'origine de beaucoup d'incompréhension et de peur de ce qu'est l'anarchie.

Voyons d'abord comment Le Larousse définie "anarchie" :



  • État d'une société caractérisée par un gouvernement ne disposant pas de l'autorité nécessaire, et en prise à des conflits désordonnés : Faire sortir un pays de l'anarchie. 
  • État de désordre, de confusion dans un domaine d'activité, du fait de l'absence de règles, ou de leur inobservation : Anarchie économique, monétaire. 
  • Synonyme de anarchisme

 D'après Le Larousse en ligne, consulté en février 2017

On remarque que "anarchie" a une connotation très négative : "ne disposant pas de l'autorité nécessaire", "conflits désordonnés", "état de désordre, de confusion" et qu'il faut même "faire sortir un pays de l'anarchie". 

La définition d'"anarchisme" est un peu moins péjorative et est un peu plus politique :

  • Conception politique et sociale qui se fonde sur le rejet de toute tutelle gouvernementale, administrative, religieuse et qui privilégie la liberté et l'initiative individuelles.

D'après Le Larousse en ligne, consulté en février 2017

Selon ces définitions, l'"anarchie" ce serait donc juste le "désordre" et l'"anarchisme" une conception du monde.

Ces définitions ne me conviennent pas et je voudrais redéfinir anarchie pour lui transposer le sens d'anarchisme et renvoyer ce dernier terme au premier.
Pour que ce soit plus clair, je vais distinguer 4 termes proches mais qui désignent des choses différentes et que je vais dans un premier temps volontairement simplifier à l'extrême : anarchie, anarchisme, anarchiste et anarchique.

  • Anarchie : société sans autorité dirigeante ou entités exerçant un pouvoir sur une autre et fonctionnant d'une manière alternative.
  • Anarchisme : mouvement politique visant à l'établissement de l'anarchie.
  • Anarchiste : personne militant en faveur de l'anarchisme, sujet ou objet relevant de l'anarchisme.
  • Anarchique : adjectif désignant une chose à la construction chaotique, désordonnée, sans organisation apparente ou non-hiérarchisée.

On peut critiquer mes définitions (je vous invite à le faire, d'ailleurs) mais dans l'objectif de simplifier les choses et de faciliter la compréhension, j'utiliserai ces termes là avec ce sens dans cet article.

Vous l'aurez compris, mon principal problème avec la définition du Larousse, qui est aussi celle qui est présente dans la plupart des esprits, vient du sens qui est mis derrière anarchie, qui est un mot à connotation négative, voir péjorative. J'ai donc reporté toutes les idées négatives sur l'adjectif anarchique et préfère considérer anarchie comme un système sociétal et politique sans y faire entrer de jugements de valeur. Cela dit, je n'encourage pas à l'utilisation d'anarchique et à sa connotation négative.

Étymologiquement, anarchie est composé du préfixe privatif grec an et de arkhé (archon), le pouvoir ou le commandement (qu'on retrouve par exemple dans monarchie : mono+archon ou "pouvoir d'un seul").
On retrouve donc dans la composition du mot l'idée que c'est une "absence de pouvoir".

Je pense qu'on peut aller plus loin que le simple refus de dirigeants dans la définition d'anarchie. C'est également le refus de toutes formes d'oppression, pas seulement celle de la classe dirigeante actuelle sur la classe dirigée. Car si l'on conserve une quelconque forme d'oppression, celle-ci persistera dans la nouvelle société créée et formera irrémédiablement une nouvelle classe dirigeante.

Les anarchistes se revendiquent souvent révolutionnaires, égalitariens (la recherche d'une vraie égalité, celle qui comble les injustices) et libertaires, c'est à dire anti-autoritaires vis à vis d'une organisation (étatique, gouvernementale, etc.) et des contraintes qu'apportent ses institutions.

Même lorsque anarchie n'est pas associée à un sens péjoratif, on limite souvent la définition à ce que ce n'est pas plutôt que ce que c'est.
Car l'anarchie, ce n'est pas que le refus d'une société hiérarchisée avec un ou des pouvoirs décidant pour d'autre, c'est aussi la vision d'une société construite différemment.

Avant de voir vers quoi et comment les anarchistes souhaitent faire évoluer le système actuel, mettons d'abord au clair de quoi l'on parle lorsqu'on évoque une société ou un système en développant un exemple actuel.


Exemple actuel d'une société : le cas français


Je vais prendre l'exemple de la France puisque j'y vis actuellement et que la majorité de mes lecteurices aussi, si j'en crois mes statistiques.
Je la prends comme exemple aussi parce qu'on la montre souvent comme une société exemplaire, ce dont on peut débattre.

La France
Position de la France sur la carte du monde - Source
 
Telle qu'elle est actuellement, la France mesure au total plus 670.000 km² (41ème plus grand pays du monde) et possède une population de près de 67.000.000 habitants (20ème pays le plus peuplé du monde).

Elle est répartie autour du globe entre la "France métropolitaine" en Europe de l'Ouest et ses "territoires d'outre-mer" (qui comptent pour 4 % de la population actuelle) présents sur tous les continents (sauf Asie), héritage de son passé d'empire colonial.

Économie de la France - Source
Sa langue officielle est depuis 1539 le français, sa capitale est Paris et sa monnaie principale est l'euro depuis 2002.
Elle compte parmi les pays les plus riches du monde (sa position exacte dans les classements varie selon les critères utilisés).

Son histoire est beaucoup trop compliquée pour être résumée ici. Je vous renvoie à ce GIF pour voir l'évolution des frontières de la France métropolitaine de 985 à 1947, mais dans les faits la France et la population française ont une histoire bien plus complexe et intéressante que celle des frontières. Je vous recommande de vous tourner vers des historien•ne•s et ce qu'iels ont pu produire si le sujet vous intéresse (récemment par exemple, est sorti "Histoire mondiale de la France").
Je vous renvoie également à la page Wikipédia sur la France pour des informations diverses plus simples d'accès (ne pas hésiter à aller de liens en liens et à consulter les sources, les références et la bibliographie).
Disons simplement qu'il est difficile de définir ce qu'est la France ou les français, son histoire ou sa culture, tant les disparités locales, historiques et sociales sont nombreuses. 


Fonctionnement politique et institutions

La Cinquième République est l'actuelle forme du régime politique de la France. Elle a éinstaurée en 1958 autour de la Constitution (vous pouvez la consulter ici) qui joue le rôle de norme juridique suprême.
On décrit son statut comme "République constitutionnelle unitaire semi-présidentielle". République pour régime républicain, c'est à dire la volonté d'avoir un État dont les décisions sont un bien commun accessibles aux citoyens ; constitutionnelle, donc qui se construit autour d'une constitution qui doit être respectée par l'ensemble des citoyens, y compris les dirigeants ; unitaire pour État unitaire, c'est à dire que tous les citoyens sont soumis au même pouvoir ; et semi-présidentielle pour régime semi-présidentiel, c'est à dire un régime présentant à la fois les caractéristiques d'un régime parlementaire et d'un régime présidentiel, où le chef d'État est élu au suffrage universel direct, a des responsabilités propres, notamment devant le parlement.

Quel rôle politique le corps des citoyen•ne•s a-t-il ?
Organigramme simplifié des institutions
de la 5ème République - Source
Les électeurices peuvent élire un•e président•e de la république (élections présidentielles, tous les 5 ans), les 577 député•e•s de l'Assemblée nationale (élections législatives, tous les 5 ans) et d'autres "grands électeurs", à savoir des élu•e•s régionaux (élections régionales, tous les 6 ans), départementaux (élections départementales, tous les 6 ans) et municipaux (élections municipales, tous les 6 ans).
Le rôle politique du "citoyen" se limite donc à ces élections, ainsi qu'aux élections européennes (tous les 5 ans) et à d'éventuels référendums (procédure exceptionnelle de vote pour la décision d'une loi).


Face à la loi, le pouvoir est divisé en 3 catégories :

  • le pouvoir exécutif, donc celui de faire exécuter les lois (également d'en proposer), est possédé par le gouvernement (président•e + ministres)
  • le pouvoir législatif, donc celui de faire les lois, est possédé par le Parlement (Assemblée nationale + Sénat) 
  • le pouvoir judiciaire, donc celui de contrôler l'application de la loi et de sanctionner leur non-respect, est possédé par les juges et magistrats

Les électeurices n'ont donc pas le contrôle de ce qui est légal ou pas, puisqu'iels interviennent seulement par le vote pour une partie du pouvoir exécutif (seulement choisir læ président•e) et pour une partie du pouvoir législatif (seulement choisir les député•e•s de l'Assemblée nationale). 


Démocratie ?

Le modèle démocratique adopté par la France est un vote par scrutin universel majoritaire (à partir de 18 ans). C'est considéré comme un exemple en matière de démocratie, un des meilleurs systèmes pour permettre au peuple de choisir les représentants qui seront au pouvoir de l'État.
Mais ce système démocratique est-il vraiment représentatif de la "volonté du peuple" ? 

Prenons l'exemple des élections présidentielles de 2012. 
D'après les résultats officiels, parmi les 46 millions qui étaient inscrits sur les listes électorales, 35,8 millions n'ont PAS voté pour Hollande au premier tour, soit 77,68 % des inscrits, si l'on compte les 25,6 millions qui ont voté pour un•e autre candidat•e (57,16 % des inscrits), les 701 000 qui ont voté nul ou blanc (1,52 % des inscrits) et les 9,4 millions qui se sont abstenus (20,52 % des inscrits).



De même, 28 millions (60,92 % des inscrits) n'ont PAS voté Hollande au second tour des présidentielles de 2012 (face à Sarkozy, en comptant de la même manière).
Pourtant, François Hollande a été élu, légitimé par une "souveraineté populaire" ne prenant en compte que l'expression des votes envers un candidat validé.
Il en serait certainement de même aux élections de 2017 qui approchent : læ candidat•e qui "remportera" les élections n'aura très vraisemblablement pas le soutien de la majorité absolue des inscrits.

Et encore, ces chiffres ne prennent en compte que les inscrit•e•s sur les listes électorales, alors qu'on estime que la population française était à plus de 65,2 millions en 2012, c'est à dire qu'ils ne se basaient que sur 70,6 % de la population française. Ces chiffres excluent donc les mineurs, les non-inscrits et toutes les personnes présentes sur le territoire mais n'ayant pas le droit de vote. C'est donc toute une partie de la population qui subit les conséquences de ces votes sans même pouvoir s'y opposer démocratiquement.
Et ce n'est pas seulement les présidentielles ! Les autres élections ont un taux d'abstention encore plus élevé, ce qui rend la légitimité démocratique des "gagnants" encore plus faible.

J'arrête avec les chiffres, mais je pense que vous comprendrez que la démocratie telle qu'elle est actuellement exercée en France n'est pas la décision de la majorité, mais la décision d'une "minorité légitimement majoritaire" qui impose donc son choix aux autres minorités qui forment, elles, la majorité.
Le terme de "dictature de la majorité" qu'on emploie parfois à l'encontre de la démocratie actuelle n'est donc même pas représentatif de ce qu'il se passe vraiment.


La population française, oppressions et inégalités

La devise nationale a beau être "Liberté, Égalité, Fraternité", on peut très sérieusement questionner si c'est ce qui s'applique au niveau de sa population (population au sens de personnes étant sur le territoire français et donc subissant les conséquences des décisions de son administration, je ne parle pas uniquement des personnes ayant la nationalité française).
Car il faut bien comprendre que la société française, comme la plupart des sociétés, est hiérarchisée, avec des groupes sociaux dominants exerçant une oppression systématique (même inconsciente) sur des groupes dominés.

Parmi les plus courantes en France, on peut noter des oppressions de classe, richesse, origine, race, couleur, religion, genre, sexe, sexualité, travail, emploi, éducation, études, savoir, langage, condition et santé physique, morale et neurologique, apparence, taille, poids, âge, habitat, territoire, accès aux ressources et d'autres que j'ai sûrement oubliées ou dont je n'ai pas encore pris conscience.

Le système en place en France permet une domination légitimée de divers groupes sociaux privilégiés (comme les personnes blanches, cisgenres, valides, etc.) envers d'autres (comme les personnes de couleur, transgenres, en situation de handicap, etc.) qui se retrouvent avec des difficultés supplémentaires dans leur vie (violences, abus, inégalités, injustices, etc.).
Toutes les oppressions sont connectées,
comme le clame Staceyann Chin - Source
Ces dominations systématiques sont intériorisées par les institutions, la culture et la représentation des groupes sociaux (inexistante ou mauvaise) par l'ensemble de la population, groupes oppresseurs et oppressés, ce qui permet aux premiers de conserver leur position dominante et privilégiée sur les seconds, qui sont en permanence rappelés à leur place lorsqu'ils tentent de se dresser contre ces oppressions.

Beaucoup d'oppresseureuses le sont sans même le savoir et ignorent leurs privilèges. Peut-être faites-vous vous-même partie de groupes privilégiés ou oppressés concernant certaines de ces oppressions sans même le savoir.
Les oppressions sont d'autant plus importantes lorsqu'on en subit plusieurs. Par exemple, les femmes noires subissent la misogynoir c'est à dire l'oppression subie à la fois en temps que femme et en temps que noire. Il faut donc aussi prendre en compte l'intersectionnalité de certaines oppressions comme facteur aggravant.


Je pourrais développer encore longtemps, mais ce n'est pas le but de l'article. Je voulais juste présenter le modèle sociétal français et montrer en quoi il est loin d'être parfait. Certes, d'autres modèles de société sont bien pires, mais ce n'est pas une raison pour ne pas critiquer celui-ci.
Voyons donc ce que l'anarchie propose comme alternatives (des modèles que l'on pourra aussi critiquer).


Des modèles de sociétés alternatifs


Le modèle français me semble assez représentatif du genre de société qu'on peut trouver un peu partout sur le globe (en tout cas dans les pays "occidentaux"), un modèle empreint de capitalisme, de patriarcat et de toutes sortes d'oppressions, le tout chapeauté par des institutions qui les légitiment.

Le mouvement anarchiste se développe (entre autre) à la suite des mouvements sociaux (les mouvements internationaux de socialistes, communistes et anarchistes en particulier) qui démarrent à la fin du 18ème siècle (comme la Révolution française) et prennent beaucoup d'ampleur au 19ème siècle, mais également en réponse au nationalisme et à la société capitaliste qui remplace peu à peu l'ancien monde.
Petite parenthèse sur ce que ces notions envers lesquelles l'anarchie s'oppose signifient :
Le nationalisme est la volonté à rassembler des individus en temps que "peuple d'une nation" et d’œuvrer pour la domination de ce peuple sur les autres.
Le capitalisme est la notion qui pousse tout le monde à l'enrichissement personnel, la concurrence et l’ascension hiérarchique à tout prix, donc en écrasant les autres.
L'"ancien monde" fait ici référence au modèle centré sur la noblesse, la monarchie et le religieux des siècles précédents.

Les anarchistes, donc, vont essayer de proposer la construction d'une société différente, qui refuse celle de l'ancien monde mais ne cherche à la remplacer par un modèle privilégiant la lutte pour le pouvoir, l'enrichissement ou la domination d'un peuple sur un autre, mais qui au contraire va encourager la construction commune et collaborative d'un monde basé sur des principes d'égalité entre tou•te•s, de liberté et d'entraide. avec comme objectif la liberté totale et l'égalité parfaite et un état de stabilité reposant sur l'humain plutôt que sur des institutions ou une économie.

Il y a bien sûr plusieurs visions de l'anarchie et de ce doit être une société anarchiste. Un des reproches qui est même souvent fait aux mouvements d'extrême-gauche, auquel les anarchistes n'échappent pas, c'est leur difficulté à s'entendre entre eux, malgré des philosophies très proches. Tous les anarchistes ne sont pas d'accord sur toutes les visions que je vais maintenant présenter ou seulement à des degrés différents.


Organisation politique et de prises de décisions

Une société anarchiste va viser au moins à la réduction de l'influence de l'État, sinon à la destruction complète de ses institutions, de son gouvernement et de son rôle dans la vie de tou•te•s.
L'organisation de la société pourrait alors se faire sur différentes bases.

1) Conserver une construction proche de celle d'un État, mais contrôlé directement par le peuple ou par des représentants sur lesquels le peuple a un pouvoir de nomination et de destitution.
Cela implique des méthodes de démocratie différentes comme la démocratie directe ou la démocratie délégative.
Schéma comparant
différentes démocraties - Source
- La démocratie directe signifie que chaque décision (une loi, un engagement, un contrat, une réforme faits au nom de l'Etat) doit être soumise au vote. C'est a priori le système électoral le plus démocratique possible, mais il demande une mobilisation des électeurices constante, ce qui est compliqué sur le long terme avec les moyens actuels (mais qui pourrait être facilité par des moyens de vote à distance, comme le vote par internet).
- La démocratie délégative (aussi appelée "démocratie liquide") est un compromis entre la démocratie directe et la démocratie représentative : les électeurices peuvent se choisir un•e délégué•e (et en changer quand iel ne convient plus) qui votera à leur place pour chaque décision proposée mais iels peuvent aussi décider de voter lorsqu'iels sont en désaccord avec leur délégué•e. La voix qui est normalement attribuée aux délégué•e•s sera alors retirée pour représenter celle de l'électeurice.
- Le tirage au sort est aussi parfois envisagé comme un des moyens de vote alternatif : on tire au sort dans la population concernée des électeurices qui étudieront les choix possibles et ensuite voteront.

2) Abandonner l'idée d'État ou de gouvernement, les frontières géo-politiques et instaurer des modes d'organisation différentes.
Ces modes d'organisation peuvent par exemple se faire sur un niveau plus local : décisions à l'échelle d'une région, d'une ville, d'une zone, d'un quartier.
Elles peuvent également se faire par groupes sociaux, organisations ou communautés
Là encore, les décisions communes peuvent se faire par différentes méthodes : assemblées générales, démocratie directe, délégative, etc.

3) Pratiquer l'autogestion, ce qui peut rejoindre le point précédent sur certains aspects : l'autogestion est la volonté de s'organiser entre membres d'une communauté sans chefs qui prend en compte l'opinion de chacun de ses membres. Ce modèle encourage à la discussion, au débat, aux assemblées entre ses membres et peut faire éventuellement appel au vote lorsque aucune solution ne convenant à tous les membres n'est trouvée.

4) Abandonner toute forme de décisions communes et permettre de faire des décisions individuelles, qui peuvent être réglementées ou pas.


La place de la loi, de ce qui est légal ou pas de faire et de qui décide de cela, est également remis en cause par certain•e•s anarchistes, en tout cas dans son organisation actuelle.

Certain•e•s proposent de simplement supprimer la loi, en comptant sur la transformation de la société pour limiter les actions qui auraient des conséquences négatives.
D'autres proposent de garder une loi modifiable directement par le peuple.
D'autres proposent plutôt de se référer uniquement à une charte dans le genre de la Déclaration Universelle des Droits Humains (mais pas forcément telle qu'elle existe actuellement).
La question de la méthode de la condamnation est discutée : emprisonnement, limitation de certaines libertés (d'aller à certains endroits, de faire certaines choses), amendes, travaux au service de la communauté, etc., le tout variant (ou pas) selon la gravité de la faute. Celleux qui assureraient le respect de la loi ne seraient plus forcément des magistrats, mais cela peut varier selon le modèle d'organisation.


Mais ce n'est pas seulement l'organisation territoriale, politique ou juridique qui serait bouleversée. Le mode de vie dans une société anarchiste est forcément différent de celui proposé par nos modèles actuels, empreints notamment de capitalisme.


Redéfinition du travail et de sa rémunération

Le travail tient actuellement une place centrale dans nos vies. Tout tourne autour de ça : on grandit en nous orientant peu à peu vers le métier que l'on est prêt à exercer, acquiert des compétences pour le mener à bien, cherche des offres jusqu'à trouver un emploi qui nous permettra de gagner de l'argent, argent qui nous servira à avoir de quoi vivre et consommer des produits.

Les anarchistes souhaitent redéfinir la place qu'a le travail dans nos vies et cela de différentes manières.

Certain•e•s proposent la séparation du travail et des revenus financiers. Cela permettrait de travailler non pas pour gagner de l'argent, mais par intérêt pour une activité. Divers modèles économiques permettraient la mise en place de ce système, comme le revenu de base, le revenu universel ou le salaire à vie. La gradation de la rémunération pourrait se faire selon différents critères, comme par la difficulté de l'activité, sa pénibilité ou son importance (bien que ses critères soient discutables et subjectifs).
La rémunération peut aussi se faire pour tout le monde de manière égale, sans prendre en compte son activité ou le fait qu'il y ait ou pas une activité.


Une vidéo de Réseau Salariat sur Bernard Friot et sa vision du travail

Le travail pourrait aussi tout simplement disparaître, au moins en tant qu'emploi rémunéré (c'est à dire d'activité exécutée en échange d'argent, contrôlée par des employeurs). Il pourrait être remplacé par des activités variées choisies par centre d'intérêt.

Certaines taches, en particulier les moins agréables, peuvent être confiées à des machines. Le risque de ce système est qu'on se retrouve avec un manque de certaines activités qui sont utiles et importantes pour l'ensemble de la population, mais qui sont parfois pénibles, que les machines ne peuvent pas (encore) accomplir. Une autre solution pourrait être d'organiser des rotations de personnes s'occupant de diverses activités, en particulier pour celles qui sont indispensables à notre survie et bien-être.

Tout ces systèmes permettraient de limiter l'aliénation au travail et de permettre de développer en parallèle des activités plus intéressantes, qu'on retrouve par exemple déjà dans le bénévolat ou la création artistique.

Une autre solution serait également de supprimer tout simplement l'argent ou alors de le remplacer par quelque chose qui nous rendrait moins dépendant du travail.

Le système monétaire est peut être un des aspects de la société les plus difficiles à changer, parce que la mondialisation s'est faite sur des bases économiques et que tout repose aujourd'hui sur un équilibre commercial (pas toujours stable).
Néanmoins, il existe déjà des modèles financiers alternatifs étant testés à petites échelles. 

Il se pose aussi la question de redistribution ou non des richesses et de comment le faire. Car pour arriver à la suppression totale de la précarité, il faudra certainement passer par une redistribution (si ce n'est pas suppression) des richesses.
Nous sommes actuellement dans une situation où les plus riches sont de plus en plus riches et les plus pauvres de plus en plus nombreux : selon un récent rapport de l'Oxfam, huit hommes possèdent autant que la moitié de la population mondiale. S'il faut s'assurer d'un plancher minimum de revenus, il faut également penser à un plafond maximum, ce qui permettrait un meilleur rééquilibrage sur le long terme.


Redéfinir les modes de vie et les normes sociétales

Beaucoup d'autres choses pourraient également changer. L'attachement à certaines choses qui nous semblent indispensables et importantes ne le sont que parce que nos modes de vie le préconisent.
C'est le cas par exemple de l'attachement à un logement, à une famille, à un•e unique conjoint•e, à des codes (vestimentaires, de bonne conduite, etc.) et à toutes les normes sociales et sociétales que l'on s'impose et qui sont les héritières de morales et éthiques dépassées et qui ne conviennent plus à la diversité des individus, de leurs libertés et de leurs opinions.

Le respect de l'environnement est aussi une question récurrente pour les mouvements libertaires. Les anarchistes ont souvent conscience du problème écologique, luttent contre la pollution, le réchauffement climatique et le gâchis énergétique (intrinsèquement liés au capitalisme).
Les alternatives anarchistes se construisent sur le respect écologique, favorisent la diversité, la remise en cause du mode de vie, d'énergies, de déplacement et d'alimentation consuméristes. Elles encouragent l'utilisation d'énergies propres, une conduite éco-responsable, une économie des ressources et une transition écologique et alimentaire.
Les ressources sur Terre sont limitées et il faut s'assurer de leur distribution égalitaire avec respect.

Le concept de propriété est également remis en cause, au profit de la collectivisation, de la mutualité, du fédéralisme, des biens communs et du libre accès à des ressources (matérielles, culturelles, intellectuelles).


Si vous restez neutres face aux injustices,
vous avez êtes du côté de l'oppresseur - Source
Les anarchistes insistent aussi sur la prise de conscience de l'existence actuelle d'inégalités et d'oppressions dans les sociétés actuelles (comme celles que j'ai développées dans le cas français) et la lutte contre elles.
Les alternatives que l'on peut construire doivent alors prendre en compte ces inégalités, ces privilèges et ces oppressions et tout mettre en oeuvre pour leur destruction afin de ne pas permettre la domination de groupe sociaux sur d'autres.
Il faut donc déconstruire les grilles de lectures actuelles qui camouflent les inégalités et injustices pour les remplacer par une vision prenant en compte la diversité des origines, des capacités, une histoire, une culture et des opinions et qu'il faut permettre à cette diversité d'individus d'avoir accès aux mêmes droits et libertés, malgré les différences.


Voilà donc quelques idées que proposent les anarchistes dans la construction d'un nouveau modèle de société.
J'en ai seulement présenté quelques-unes sans rentrer dans les détails mais si le sujet vous intéresse, je vous invite à vous renseigner davantage.
Vous l'aurez compris, ce sont souvent des modèles qui mettent beaucoup de confiance dans ce qu'est capable d'accomplir l'humain. C'est ce qui est souvent critiqué dans les modèles anarchistes : qu'ils ne sont pas réalisables, utopiques, parce que l'être humain a depuis toujours cherché l'affrontement, la confrontation et la haine de son prochain.
On ne peut pas le nier, mais ce n'est que voir qu'un seul côté des choses (ignorer les luttes pour le progrès social, pour la construction d'un avenir commun et tous les actes simples et positifs individuels ou collectifs qui œuvrent dans cette direction). De plus, ce constat repose sur le fait qu'il intervient toujours dans une société où quelque chose pousse à la haine de l'autre et à l'enrichissement personnel.

Si on souhaite atteindre un idéal de société, il faut transformer celle-ci dans son entièreté. 
Ce ne sera pas facile, c'est sûr. On peut même douter que l'on puisse un jour atteindre de tels modèles de société. Mais chaque pas vers ceux-ci est déjà un peu de progrès, qui doit pousser à aller encore plus loin et non pas à s'arrêter en cours de route.

Alors, comment les anarchistes tentent-ils d'agir ?


Les moyens d'action


Il existe de nombreux moyens d'agir en temps qu'anarchistes, que ce soit contre quelque chose ou pour quelque chose.


La place de la violence dans les luttes


Une du Petit Journal (quotidien conservateur) de 1893
illustrant l'"attentat" d'Auguste Vaillant à la chambre
des députés. Vaillant avait en fait été manipulé
par la police et sa bombe était quasiment inoffensive.
Historiquement, les anarchistes ont très vite été associés à des mouvements violents, voir à des "terroristes". On ne peut résumer le mouvement anarchiste à cela mais on ne peut pas non plus l'ignorer : oui, certain•e•s anarchistes n'hésitent pas à faire l'usage de la violence.

Cependant, il faut relativiser cette violence et la remettre en contexte. Les actes violents des anarchistes viennent toujours en réponse à quelque chose et est une manière brute et simple de manifester sa colère.
Il est très courant que les actes violents anarchistes soient uniquement symboliques, contre des institutions, des bâtiments (par exemple des banques) ou du sabotage. Mais ces actes ne visent que très rarement des personnes précises et n'encouragent pas au meurtre et à l'assassinat.
Une limousine taguée brûlant lors de
l'investiture de Donald Trump - Source
Il est par ailleurs intéressant de noter qu'en temps de guerre, de tels actes sont honorés et célébrés (cf. la résistance française sous l'occupation allemande) alors que lorsqu'il ne s'agit plus de défense de la patrie mais d'une volonté politique de remettre en cause le fonctionnement de la société, de tels actes sont dénoncés et condamnés.

Les "casseurs" font souvent parler d'eux et la presse les montre très souvent comme des jeunes dépolitisés cherchant à se défouler en cassant des vitres ou à affronter la police.
C'est une erreur : les casseur•euse•s sont très souvent politisé•e•s et manifestent leur mécontentement en occupant l'espace public, en se le réappropriant et en en dégradant une partie, visant les banques, bâtiments gouvernementaux ou de sociétés capitalistes, caméras de surveillance, espaces publicitaires...
On a pu voir le développement récent des black blocs, ces manifestant•e•s cagoulé•e•s et vétu•e•s de noir, qui sont des groupes d'individus se revendiquant souvent d'idéologie anarchiste-libertaire se composant spontanément (sans chefs) lors des manifestations et qui agissent sous forme de guérilla urbaine. 
"All Casseurs Are Beautiful", une banderole à Lyon
reprenant l'acronyme ACAB (All Cops Are Bastards) - Source
L'affrontement avec la police se fait sur un rapport de force défavorable, celle-ci étant armée et souvent animée d'une haine contre les manifestants. Il arrive même parfois que des policiers sous couverture infiltrent des groupes de casseurs pour les pousser à commettre des actes qui justifieront une répression policière violente et des arrestations.
Bien sûr, tous les anarchistes ne sont pas des "casseurs" et tout les "casseurs" ne sont pas anarchistes, mais on retrouve souvent des motivations communes.

Les anarchistes font appel à la théorie politique d'action directe, c'est à dire des mouvements où les individus sont incités à agir par eux-mêmes, sans attendre l'aval d'un supérieur mais en prenant en compte que la conscience morale est supérieure à la loi et que des actes illégaux peuvent être justifiés s'ils sont pour le bien commun.

Ces actes "violents" viennent donc toujours en réponse à un autre type de violence (violence de classe, de race, etc.) et ils continueront tant que ce qui justifie ces actes auront lieux.
Mais il est très courants que celleux qui utilisent de moyens de lutte violente ne se limitent pas à ce type d'actions et luttent aussi par d'autres moyens non-violents.
Slogan de mai 1968 en France
Source


D'autres moyens de contestation

C'est le moyen de lutte principal des anarchistes : la contestation par des actions non-violentes de manifestations, d'occupations et de réappropriations de l'espace public.

Les grèves, manifestations et autre mouvements qui poussent à la cessation d'activité et à la manifestation pour ses droits (ou en soutien à celleux dont les droits sont menacés) sont encouragés, en particulier par les anarcho-syndicalistes qui sont historiquement au centre des luttes du mouvement ouvrier et des classes populaires.
Les anarchistes viennent souvent du milieu des travailleurs et/ou basent leurs espoirs de révolution sur le prolétariat. Aujourd'hui, on ne limite plus la lutte à celle du salariat contre le patronat (bien que ça n'ait pas disparu) car elle s'est étendue à celle de toutes les injustices et de toutes les oppressions à combattre.
Le Groupe Orage lors de l'Existrans 2016
Source
Les anarchistes participent donc en temps que concerné•s•s ou en temps que soutien à différentes manifestations (contre la Loi Travail, lors des Women's Marchs, des Prides, Black Lives Matter, etc.).


La lutte passe par une une occupation et une réappropriation des lieux, que ce soit l'espace public (la rue) lors des manifestations ou bien d'autres espaces qui perdent (selon la volonté anarchiste, mais pas toujours dans la pratique) leur statut de propriété privée pour devenir une zone appartenant à personne, et donc à tout le monde.
C'est le cas des squats, l'occupation (illégale) d'un lieu inoccupé et réinvesti pour servir de logement, ce qui est en particulier utile aux plus précaires. Ces lieux peuvent également servir de simples hébergement temporaire (pour une nuit par exemple), de "magasins gratuits" ou de "zones de gratuité", proposant gratuitement des produits (habits, nourriture) ou de proposant des services habituellement payants (accès à internet). Ce genre de lieu est souvent géré (autogéré, même) par des anarchistes et autres libertaires.


La ZAD de Notre-Dame-des-Landes
Source
Les zones à défendre (ZAD) sont également une forme de squat politique : il s'agit de l'occupation d'un lieu pour militer contre une décision le concernant.
C'est le cas par exemple pour protester contre le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou du barrage de Sivens (des oppositions reposant sur des critiques écologiques, sociales et économiques) : les lieux ont été occupés par les militant•e•s qui s'y sont installé et y ont construit des petites sociétés autogérées, qui sont régulièrement attaqués par les forces de police.

L'organisation autogérée s'applique également à d'autres échelles. Par exemple, des entreprises et usines en Argentine reposent sur un fonctionnement autogéré.


"Usine occupée" par des ouvriers autogérés en Argentine
dans le documentaire "The Take" de Naomi Klein

La question du vote, ou plutôt du non-vote, est présente dans les débats anarchistes.
Certains pensent qu'il vaut mieux voter pour des partis les plus proches de leurs idées (par exemple, en France, le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti Pirate, etc.), mais cela revient à nommer des chefs au pouvoir et à espérer qu'ils feront ce que le peuple peut faire de lui-même. D'autres recommandent le vote nul ou blanc, mais beaucoup y préfèrent l'abstention.
L'abstention, en effet, est le moyen le plus clair de signaler son opposition au système lorsqu'on cherche à ne pas se choisir de chef. Le vote blanc ou nul signale simplement que les choix proposés par l'élection ne nous conviennent pas, il n'indique pas une opposition au système dans sa globalité. 
J'ai montré tout à l'heure comment on pouvait remettre en cause la légitimité démocratique des gagnants. Malheureusement, lors des résultats officiels, ni l'abstention ni les votes blancs et nuls ne sont pris en compte.
Mais beaucoup d'anarchistes pensent que seule une abstention massive permettrait de remettre démocratiquement en cause le système.

Toutes ces actions, violentes ou non-violentes, légales ou illégales, sont soutenues et complétés par la réflexion qui se fait derrière concernant les moyens de lutte, la critique de la société et la construction des alternatives.


La théorisation et l'intellectualisation de l'anarchisme

Tout les principes d'actions anarchistes sont motivées par une réflexion intellectuelle très productive (mais pas toujours très accessible car circulant principalement au sein de cercles militants, refusant les canaux de distribution capitalistes et officiels) qui remonte à la naissance de l'anarchisme et qui n'a pas faiblit depuis.

Il existe donc de "grandes figures" qui ont théorisé et réfléchi l'anarchie, que je ne présenterais pas ici (mais peut-être dans un futur article), déjà parce que ce serait beaucoup trop long et ensuite parce que ce sont les idées qui m'intéressent, pas celleux qui les ont formulé.
Si vous voulez vous néanmoins vous y intéresser, voici quelques noms : Proudhon, Bakounine, Kropotkine, Louise Michel, Élisée Reclus, Thoreau, Virginia Bolten, Daniel Guérin, Lucia Sánchez Saomil, Hakim Bey et bien d'autres, chacun•e ayant sa propre vision et des points sur lesquels on pourra être plus ou moins d'accord.


Quelques drapeaux de
mouvements se revendiquant
de l'anarchisme - Source
Il existe en effet de très nombreuses variantes de courants d'anarchistes et libertaires.
Il ne sont pourtant pas toujours très éloignés les uns des autres : souvent, les différents mouvements anarchistes précisent juste sur quel aspect ils souhaitent insister, par exemple la lutte de classe pour les anarcho-syndicalistes, la lutte des femmes pour les anarcha-féministes ou la lutte LGBTQ+ pour les anarchistes queers.
On peut citer quelques mouvements assez proches de l'anarchisme, comme l'altermondialisme (qui donne une place centrale à l'écologie), l'idéologie pirate ou des mouvements communistes libertaires.
Et avant qu'on me pose la question, non, je ne considère pas l'anarcho-capitalisme comme un mouvement anarchiste. Ce courant n'est pas libertaire mais libertarien, c'est à dire qu'il souhaite remplacer l'État par un libéralisme capitaliste total, pour permettre à une circulation non-régulée des richesses en faveur de la concurrence, du capital et de l'enrichissement personnel, ce qui est à l'opposée de ce que les anarchistes recherchent.

Les publications anarchistes sont très nombreuses, parfois sous la forme de livres (mais cela nécessite la complicité d'un éditeur ou imprimeur) ou plus souvent sous la forme de petits journaux locaux. Les théories anarchistes se construisent donc beaucoup sur des spécificités locales, autour des lieux donnant accès à ce genre de savoir (milieux étudiants, librairies libertaires, bibliothèques personnelles de militant•e•s).


"Nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes" - Source
Les organisations et associtations locales organisent régulièrement des échanges, des rencontres, des assemblées générales, des espaces de débat, de discussion.
Elles font tout un travail militant : distribuent des tracts, collent des affiches, taguent des messages, font de la sensibilisation sur la voie publique, lors des manifestations, etc.

L'arrivée d'internet a offert tout une flopée de nouveaux moyens d'actions, que ce soit par le cyber-militantisme, les réseaux sociaux, les pétitions en ligne, les forums, tchats et espaces de discussion, de stockage, de partage, etc.
Internet permet notamment de sortir des dynamiques locales et aide à la coopération, la coordination et la portée internationale du mouvement. Les utopies pirates s'y sont développées, voyant dans un Internet un moyen de liberté d'expression, de création et de partage mais qui sont compliquées par le contrôle d'internet par des sociétés capitalistes et autres défenseurs de la propriété privée.

Internet offre de véritables nouveaux moyens d'action et dont l'efficacité n'est plus à prouver (que ce soit pour en tirer ce qu'il y a de meilleur ou de pire).
Les Printemps arabes, ces révolutions de contestations populaires qui ont lieu dans le monde arabe depuis 2010 reposent en très grande partie sur internet. Pareil pour les mouvements Occupy, tel que Occupy Wall Street, ou les hacktivistes tels qu'Anonymous. Tout ces mouvements ne sont pas uniquement anarchistes, mais ils se fondent très souvent sur des concepts anarchistes ou proches.

Internet permet de faire à une plus grande échelle ce qui se faisait avant surtout dans les tracts, journaux libertaires et autres radios pirates (bien que tout cela n'ait pas disparu). Il existe de nombreux sites d'anarchistes, qu'ils soient personnels ou de regroupement (on les reconnait souvent à la quantité de rouge et noir présents sur chaque page) et j'imagine que mon blog fait un peu partie de ce cercle, à présent...

Les réflexions sur l'anarchie sont donc au centre de ses combats, que ce soit sur les objectifs à atteindre ou sur les moyens à utiliser. La production de contenu est toujours aussi importante, bien que souffrant en visibilité.
Et je ne pense que cette intellectualisation soit incompatible avec l'action. Bien au contraire, ces deux aspects se complètent et se sont développés ensemble.



Conclusion


Cet article est déjà long mais j'ai l'impression de n'avoir fait qu'aborder le sujet en surface, ce que je regrette un peu. Ce que je pense faire, c'est que cet article va servir d'introduction à toute une série d'articles plus détaillés sur des points précis qui méritent d'être développés.
J'ai notamment très peu évoqué l'histoire du mouvement anarchiste et me suis concentré principalement sur les mouvements français, alors qu'il y a plein de choses à voir d'un point de vue international.

Je fais actuellement pas mal de recherches sur le sujet et je suis en train de construire une bibliographie la plus complète possible et sur tous les sujets que j'aborde sur ce blog (pas seulement l'anarchie). Je mettrai tout ça à jour progressivement.


J'espère avoir montré que l'anarchisme un mouvement politique très sérieux, complexe, structuré, avec un vrai objectif en tête, la construction d'une société alternative.

On trouve dans la politique "légitime" très souvent l'argument "anti-système", sans jamais vraiment définir ce qu'est ce système et en étant en fait le meilleur représentant de celui-ci.
Les anarchistes proposent une vraie révolution "anti-système", celle de renverser la société actuelle et les innombrables oppressions qu'elle véhicule et de construire une alternative à visage humain, solidaire, coopératif, libre et égalitaire.

Seulement, le mot anarchie et ce qu'il représente fait parfois peur. C'est la raison pour laquelle de nombreuses personnes qui sont en fait d'accord sur le fond ne se disent pas anarchistes. Car soutenir l'anarchie signifie aussi remettre en cause nos évidences actuelles et un certain confort de privilèges.
C'est pourquoi l'anarchisme a besoin d'être multiple, à visage varié et doit absolument se faire par et pour les personnes qui subissent actuellement les oppressions du système.

La colère populaire, le "tous pourris" et la sensation d'être dans un schéma "eux contre nous" se limitent parfois à un refus passif de la politique.
L'anarchisme politise et rend actif ce refus et lui donne un vrai objectif à atteindre derrière : ce n'est pas que l'opposition à quelque chose, c'est aussi le désir de construire ensemble un monde meilleur.

Alors, qu'est-ce qu'on attend ?


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